par Amira Hass
Les gens ne naissent pas cruels ; ils le deviennent. La cruauté des Palestiniens envers les Israéliens est largement médiatisée, tandis que notre cruauté, celle de la société israélienne, devient toujours plus sophistiquée pour protéger nos butins.
Les optimistes disent qu'en fin de compte, les Israéliens finiront par saisir l'ampleur de l'atrocité qu'ils ont commise dans la bande de Gaza. La vérité s'infiltrera dans leur conscience. Les vieilles vidéos de nourrissons déchiquetés par nos bombes atteindront un jour le cœur des Israéliens et les transperceront. Ils verront soudain des enfants couverts de poussière de béton broyé, sous lequel ils ont été secourus, tremblant de manière incontrôlable et fixant le vide, le visage tout entier en point d'interrogation.
À un moment donné, disent les optimistes, les Israéliens cesseront de dire : «Ils l'ont mérité, à cause du 7 octobre. Ils ont attaqué». Les chiffres cesseront d'être des abstractions et «Qui croit le Hamas ?» Les lecteurs comprendront que plus de 20 000 enfants ont été tués - un tiers de tous les morts - de nos mains. Plus de 44 000 enfants ont été blessés - un quart de tous les blessés. Ils réaliseront qu'ils ont aidé et soutenu une guerre d'anéantissement contre un peuple et non vaincu une organisation armée monstrueuse.
À un moment donné, ils comprendront que la cruauté individuelle de la vengeance démontrée par tant de soldats - souvent accompagnée d'éclats de rire et de sourires diffusés sur TikTok - et la cruauté froide, chirurgicale et anonyme de ceux qui tuent comme dans des jeux vidéo depuis leurs cockpits et salles de contrôle - ne sont pas des marques d'héroïsme mais une maladie grave. Sociale et personnelle.
Les parents, croient les optimistes, ne pourront plus dormir la nuit, inquiets que les croix sur les fusils de leurs fils marquent des femmes, des vieillards et de simples jeunes gens cueillant des herbes pour se nourrir. Le jour viendra où les adolescents demanderont à leurs pères, soldats à l'époque, s'ils ont eux aussi obéi à un ordre de tirer sur un vieil homme ayant franchi une ligne rouge inconnue.
Les filles de pilotes décorés demanderont s'ils ont largué une bombe «proportionnée» qui tua cent civils pour un commandant intermédiaire du Hamas. «Pourquoi n'as-tu pas refusé ?», sanglotera la fille.
Des manifestant·es brandissant des photos d'enfants palestiniens tués à Gaza par Israël
près de la base aérienne de Tel Nof, plus tôt cette année.
Les petits-enfants d'un gardien de prison retraité demanderont : «As-tu personnellement frappé un détenu menotté jusqu'à ce qu'il s'évanouisse ? As-tu obéi à un ordre ministériel refusant la nourriture et les douches aux prisonniers ? As-tu entassé 30 détenus dans une cellule prévue pour six ? D'où venaient leurs maladies de peau ? Connaissais-tu l'un des dizaines de détenus morts dans une prison israélienne de faim, de coups ou de torture ? Comment as-tu pu, grand-père ?» Les neveux de juges de la Cour suprême liront leurs décisions qui ont tout permis et cesseront de leur rendre visite le shabbat.
À un moment donné, croient les optimistes, l'occultation de la réalité par les médias israéliens cessera d'endoctriner et d'anesthésier les cœurs. L'expression «le contexte» ne sera plus considérée comme une obscénité, et le public reliera les points : oppression. Expulsion. Humiliation. Déportation. Occupation. Et toutes les souffrances entre elles. Ce ne sont pas des slogans inventés par des juifs qui se détestent eux-mêmes, mais la description de la vie d'un peuple entier, pendant des années, sous nos ordres et sous nos armes.
Les gens ne naissent pas cruels ; ils le deviennent. La cruauté des Palestiniens envers les Israéliens est abondamment couverte dans nos médias, articles et gros plans. Elle s'est développée en réponse et en résistance à notre domination étrangère et hostile. Notre cruauté, celle de la société israélienne, devient toujours plus sophistiquée dans le but de protéger nos butins : la terre, l'eau et les libertés dont nous avons expulsé les Palestiniens.
Les optimistes croient qu'il existe un chemin du retour. Quelle chance ils ont, les optimistes.